Quelques villas de Palladio
Villa Emo
La construction de la Villa Emo à Fanzolo constitua la conclusion représentative du désir, que la famille Emo nourrissait de longue date, de cultiver la propriété rurale sur laquelle la villa avait été construite. Rétrospectivement, on peut retracer cette aspiration jusqu'en l'an 1509. Cette année-là, pendant laquelle eut lieu la première défaite de Venise contre la Ligue de Cambrai, cette propriété foncière étendue, dont faisait partie la Villa Emo, changea de propriétaire. Ce fut Leonardo di Giovanni Emo qui acheta la propriété à la famille Barbarigo. Une maisson seigneuirale en faisait partie. Leonardo s'intéressait en première ligne à la culture du sol dans ce domaine. Ce n'est que deux générations plus tard que Leonardo di Alvise Emo passa à Palladio, l'ordre d'ériger une nouvelle villa à Fanzolo. Malheureusement, nous ne disposons que de peu de documents pouvant nous renseigner sur le commencement de la nouvelle construction. On suppose que les débuts des travaux eurent lieu en l'an 1555, alors que l'on date la fin des travaux de 1565 ; on a conservé un document datant de cette année-là notifiant le mariage de Leonardo di Alvise avec Cornelia Grimani.
Dans ses <<Quatro libri>>, Andrea Palladio souligne l'utilité du domaine, en disant qu'à gauche aussi bien qu'à droite du bâtiment seigneurial se trouvaient un silo à grain ainsi que les communs de la villa, dans lequels, ce qui était particulièrement important, , on pouvait se rendre par un passage abrité par un toit. Dans le cas de la villa Emo également, il fallait que les dimensions de la propriété fussent à la mesure des récoltes. réalisées. Ces récoltes semblent avoir été considérables, car les ailes latérales de la villa sont exceptionnellement longues, symbole évident de prospérité. La supposition que les champs appartenant à la villa aient fourni de riches récoltes, se confirme qund nous considérons le fait que les Emo avaient introduit la culture du maïs dans leur propriété qui, contrairement à la culture du millet, permettait d'obtenir un rendement considérablement plus élevé.
L'apparence extérieure de la Villa Emo est caractérisée par un traitement sobre de tout le corps de la construction, dont le soudage est déterminé par un rythme géométrique. Elle incarne sous une forme pure le bâtiment utilitaire né de l'idée de <<la sainte agriculture>>, qui, subordonnée à son but, renonce à toute pompe, tout en représentant cependant le centre pratique et spirituel de l'ensemble de la propriété.Déjà, la fonction de la maison seigneuriale devient apparente du fait qu'elle a été surélevée par rapport au niveau du sol, comme dans toutes les autres villas de Palladio. Un large perron conduit à la loggia ;<< la façade de temple >( est entre-temps devenue partie intégrante du vocabulaire de formes de Palladio. Elle fait aussi bien allusion à l'idéal de villa de la <<sainte agriculture>> qu'à la dignité du propriétaire), appliquée à la construction profane - un portique à colonnes couronné d'un fronton - constitue désormais une partie intégrante fixe du canon de formes de Palladio, et se charge de représenter la dignité du propriétaire de la villa. Comme pour la villa Badoer, la loggia ne constitue pas une avancée en forme de porche devant le noyau du bâtiment, mais est incluse dans celui-ci. L'accent mis sur la sobriété de la villa s'étend jusqu'à l'ordre des colonnes de la loggia pour laquelle Palladio a choisi l'ordre toscan, ordre extrêmement sobre.
De la même manière, un échelonnement hiérarchique des compartiments de la villa entre eux a été observé ici. Comme on pouvait aussi le constater dans le cas de la villa Badoer, les ailes des communs ne se trouvent pas , au contraire de la maison seigneuriale, surélevés par rapport au niveau du sol. Des volières à colombes, nommées colombariums, forment les extrémités de ces ailes des communs, qu'elles surplombent en hauteur. Leur fuite apparente partant de la maison seigneuriale pour décroître vers les côtés, mais prend naissance dans les colombariums, d'abord affaiblie par les ailes des communs, pour ensuite déployer son potentiel de force, dans la maison seigneuriale. Les ailes des communs sont caractérisés par une rangée d'arcades qui préparent le motif du portique sur le plan optique, et renforcent son effet.
De telles expériences visuelles doivent cependant naître de la simple observation ; pour des raisons compréhensibles, on ne trouve évidemment aucune déclaration de Palladio au sujet de ces réflexions dans les descriptions de ses créations architectoniques. La plupart de ses villas ont été construites à une époque où Venise, avait de nouveau besoin de davantage d'argent pour les guerres à venir, et avait de ce fait amendé des lois supplémentaires contre le luxe. En outre, le traité d'architecture de Palladio fut publié en 1570, un an avant la bataille près de Lépante. Sa façon circonspecte de procéder à la description de l'utilité de ses bâtiments servit aussi bien à ses comettants qu'à lui-même, architecte qui se porta de plus candidat au premier poste d'architecte de Venise. En contrepartie, on vit se déployer à l'intérieur des villas une pompe d'autant plus grande ; ceci valut aussi pour la villa Emo, dont les fresques ont été conservées dans un état excellent jusqu'à nos jours. Nous devons leur exécution à Giambattista Zelotti.